La télésurveillance et le traitement de l’apnée sont aujourd’hui indissociables

Même si la technique est récente, le Dr Vincent Hers, chef du service de pneumologie au CHR Sambre et Meuse (site Meuse), a déjà du mal à imaginer la prise en charge des patients atteints d’apnée du sommeil sans suivi à distance. « Et nous devrons nous appuyer davantage encore sur les soins hybrides », affirme-t-il. « Le syndrome d'apnées-hypopnées liées au sommeil concerne selon les études 5 à 20 % de la population. Il est tout simplement impossible de suivre autant de personnes de manière traditionnelle. »

Dr. Hers

Depuis trente ans, le Dr Vincent Hers, pneumologue, prend en charge les patients souffrant d'un syndrome d'apnées hypopnées obstructives du sommeil ou SAHOS (voir encadré).

Obstructive et centrale

On estime qu’un demi-million de Belges souffrent du syndrome d’apnée du sommeil. Pendant leur sommeil, ils arrêtent de respirer complètement ou partiellement à plusieurs reprises pendant au moins 10 secondes. Un tel arrêt respiratoire peut toucher tout le monde, mais on parle d’apnée du sommeil à partir de 5 interruptions par heure.

Les apnées trouvent généralement leur origine dans une obstruction des voies respiratoires supérieures (syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil ou SAHOS). La cause réside parfois aussi dans le fait que le cerveau ne contrôle pas correctement la respiration (syndrome d’apnée centrale du sommeil ou SACS). Le SACS peut être concomitant au SAHOS. 

 

Dr Hers, quels sont les effets du SAHOS sur l’être humain ?

« Pendant le sommeil, les muscles de la gorge se relâchent. Chez certaines personnes, cela peut bloquer les voies respiratoires, empêchant l'air de passer. Ces blocages partiels (hypopnées) ou complets (apnées) augmentent l’effort respiratoire durant les sommeil. »

« Les personnes qui souffrent d’apnée ou d'hypopnées du sommeil ronflent souvent de manière bruyante et irrégulière. Lorsque la respiration est entravée, la personne concernée se réveille très brièvement, ce qui relance la respiration. »

« La personne elle-même n’est pas nécessairement consciente de ses ronflements et des micro-éveils, c’est souvent le conjoint qui remarque les premiers signaux. »

« Le gros problème de l’apnée du sommeil est que la qualité du sommeil s’en ressent. Et cela peut entraîner un large éventail de problèmes de santé. »

« Le gros problème est que la qualité du sommeil s’en ressent. Le sommeil n’est pas suffisamment réparateur, les gens se sentent fatigués ou somnolents pendant la journée. Ils ont plus de maux de tête, ou des difficultés pour se concentrer. Certains ont des troubles de l’humeur ou des troubles de l’érection. Un mauvais sommeil prolongé peut également entraîner une élévation de la tension artérielle et des arythmies cardiaques. »

L’apnée obstructive du sommeil est très fréquente. Pouvez-vous décrire le « patient typique » ?

« Le SAHOS est une pathologie dont le phénotype (l’ensemble des caractéristiques observables chez un patient, NDLR) est très diversifié : il concerne de manière caricaturale, l’homme d’âge moyen en surpoids mais aussi la jeune femme dont la mâchoire inférieure est trop petite. »

« Certains traits physiques favorisent les apnées, comme un cou large ou court, une mâchoire inférieure petite ou en retrait, des amygdales ou des adénoïdes hypertrophiées (souvent chez les enfants). S’y ajoutent des facteurs aggravants comme le tabagisme, l’alcool, les médicaments ou la position de sommeil. Cela se traduit par des profils de patients très divers. »

« En chiffres absolus, plus d’hommes que de femmes sont atteints de SAHOS, mais la répartition s’équilibre au delà de 50 ans. Chez les femmes, le SAHOS survient souvent après la ménopause. »

Airview

Comment traiter ce syndrome ?

« Il existe un certain nombre d’options thérapeutiques, qui poursuivent toutes le même objectif : éliminer l’obstruction à la respiration pendant le sommeil. Qu’elle soit due à une faiblesse musculaire, à une mauvaise position de la mâchoire inférieure ou à d'autres causes. »

« Il convient souvent d'améliorer l’hygiène de vie, notamment en s’abstenant de fumer ou en limitant sa consommation d’alcool. En cas d’obésité ou de surcharge pondérale, des mesures spécifiques doivent également être prises. »

« Les options thérapeutiques poursuivent toutes le même objectif : éliminer l’obstruction à la respiration pendant le sommeil. »

« Bon nombre de patients sont traités par CPAP (continuous positive airway pressure, NDLR). Ce dispositif consiste en une turbine qui génère un débit d'air qui est délivré via un masque nasal dans les voies aériennes supérieures. Ce débit produit une pression qui maintient ces voies ouvertes, agissant comme un coussin d'air empêchant le 'tuyau' de se fermer. »

« En cas de symptômes limités, le port d’un dispositif buccal spécifique pendant le sommeil peut être une option. Une telle orthèse positionne la mâchoire inférieure en avant, ce qui maintient le pharynx ouvert. Si le patient présente une dysmorphie, on opte parfois pour une intervention chirurgicale.  Mais il s’agit d’une opération dont l’indication doit être bien posée et qui demande souvent une longue préparation orthodontique préalable. »

« De nos jours, nous utilisons toujours la technologie numérique pour surveiller le patient à distance. »

Pouvez-vous nous parler un peu plus de la télésurveillance dans le cadre d’un traitement par CPAP  (appareil de pression positive)? Qu’est-ce qui justifie ce choix ?

« La plupart des appareils de pression positive sont équipés d’un système de télésurveillance permettant d’accompagner le patient à distance au cours de son traitement. »

« Les premières semaines de traitement sont cruciales pour une bonne adhérence. En gardant le contact avec le patient en cas de difficulté, la télésurveillance permet d’éviter un bon nombre d’abandons précoces de la thérapeutique. Le patient, qui sait que l’équipe soignante peut suivre son traitement à distance, s’en trouve rassuré. Cette approche permet aussi de gagner du temps. Nous pouvons, par exemple, régler les paramètres de l’appareil depuis l’hôpital et éviter au patient des déplacement inutiles. »

« Tous les patients peuvent également associer leur appareil CPAP à une application sur leur téléphone. Celle-ci leur donne un meilleur aperçu de leur traitement : ils peuvent obtenir des données objectives sur l’évolution de la qualité de leur sommeil, voir s’il y a des apnées résiduelles ou s’il y a des fuites à travers le masque... Tout cela permet une personnalisation et un meilleur auto-contrôle impliquant les patients dans leur thérapeutique. »

Arnaud (patient) : « Une motivation supplémentaire pour suivre la thérapie »

Arnaud Sprimont est sculpteur et créateur de bijoux. À la mi-mai de cette année, le CHR Sambre et Meuse lui a prescrit un traitement par CPAP, y compris un suivi à distance. Jusqu’à présent, son expérience est plus que positive.

« Je suis naturellement très intéressé par ma propre santé et prêt à lui consacrer beaucoup d’efforts. L’application myAir m’y aide », explique-t-il. « Voir dans l’application votre nombre d’apnées diminuer régulièrement vous motive encore plus à suivre correctement le traitement par CPAP. Au cours des derniers mois, par exemple, je suis passé de 14 à 0,2 apnée par heure pendant la nuit. »

« Ces progrès se traduisent par une attitude plus positive. Un exemple ? J’ai commencé à nager, mais je trouvais toujours une raison d’abandonner : j’étais fatigué, je n’en avais pas envie, je n’avais pas le temps... Je n’avais ni la motivation ni l’énergie nécessaire pour en faire une habitude. Aujourd’hui, c’est chose faite. Après un mois de thérapie CPAP, j’ai repris la natation et je vais maintenant à la piscine trois fois par semaine. Tout est différent : j’ai envie, je suis enthousiaste et je sens que c’est possible. »

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L’équipe soignante y trouve également son compte.

« Absolument. Grâce à la télésurveillance, nous sommes en mesure d’identifier à distance les problèmes que pourrait rencontrer un patient. C’est particulièrement important au début d’une thérapie CPAP. Dormir avec un masque, surtout au début, peut être un peu gênant. Il est donc essentiel de bien suivre le patient au cours des premières semaines. Si nécessaire, nous le rappelons à l’hôpital pour ajuster le réglage du masque ou pour le sensibiliser davantage à l’importance de l’observance. »

« Avant que nous puissions surveiller les patients à distance, de nombreux appareils CPAP se perdaient dans les armoires des patients. »

« Nous avions l’habitude de n’entendre parler de problèmes que lorsque le patient venait en personne pour une consultation. Tous les patients n’appellent pas l’hôpital en cas de souci. Résultat : de nombreux appareils de PPC se perdaient dans les armoires des patients pour y prendre la poussière jusqu’à la prochaine consultation. Le patient et nous-mêmes perdions ainsi un temps précieux et la sécurité sociale payait pour des appareils coûteux qui n’étaient pas utilisés. »

Y a-t-il des patients CPAP que vous ne suivez pas à distance ?

« Non, toutes les personnes à qui nous prescrivons la CPAP peuvent être suivies à distance. Parce que les avantages sont indéniables et parce que, d’un point de vue pratique, nous ne pouvons plus faire autrement. Il y a tout simplement trop peu de prestataires de soins de santé pour assurer le suivi 'traditionnel' de tous les patients qui bénéficient d’un traitement CPAP. Cela vaut pour tous les hôpitaux, pas seulement pour le nôtre. »

« Le soutien administratif que nous apporte l’application est également d’une grande aide à cet égard. Nous sommes tenus d’établir des rapports réguliers pour l’INAMI sur les traitements par CPAP - la première fois au bout de 3 mois, puis tous les ans. Grâce au logiciel, nous pouvons désormais le faire sans que chaque patient doive nécessairement venir à l’hôpital avec son appareil. Cela représente un gain de temps considérable, du temps que nous pouvons utiliser à bon escient. »

Pas (encore) de remboursement structurel

La télésurveillance des patients qui souffrent d’apnée du sommeil et reçoivent un traitement par CPAP n’est actuellement pas remboursée en Belgique, mais Jean-Luc Pirlot de ResMed espère que la donne changera bientôt.

« Malgré l’absence de remboursement, de plus en plus d’hôpitaux déploient la télésurveillance en raison de sa plus-value évidente », affirme-t-il. « Il y a également de grandes chances que la télésurveillance fasse partie de la nouvelle convention pour le traitement du SAHOS qui est en cours d’examen. »

« Avec ResMed, nous pensons déjà à la suite. Nous voulons intégrer notre solution aux dossiers médicaux électroniques des hôpitaux afin que l’équipe soignante puisse la mettre en œuvre en un minimum d’étapes. Et nous voulons qu’à l’avenir, les prestataires de soins de santé puissent recueillir les commentaires et les expériences des patients concernant leur traitement par l’intermédiaire du système pour pouvoir intervenir si nécessaire. »