« Besoin d’une vision davantage axée sur l’économie de la santé »

« 35 milliards d’euros de budget de santé, mais très peu de contrôle », titrait le Standaard il y a peu. Si cet article est paru le jour de la Saint-Valentin, il était pourtant loin de la déclaration d’amour à la manière dont la Belgique gère son budget de santé.

L’essence des propos des journalistes du Standaard ? Tandis que nous investissons chaque année des sommes colossales dans les soins de santé (35 milliards d’euros rien qu’au niveau fédéral), les décideurs politiques n’ont pratiquement rien à dire sur l’affectation de ces ressources.

Les décisions relatives à la répartition de ce budget sont prises au sein d’organes consultatifs de l’INAMI, par des représentants des prestataires de soins et des caisses d’assurance maladie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces organes ne sont pas des modèles de transparence.

Quantité ≠ qualité

Nous faisons donc face à un problème de taille : le montant des impôts que nous consacrons à la santé est certes déterminant, mais la manière dont nous dépensons cet argent est au moins tout aussi importante.

Dans un monde idéal, il s’agirait de réfléchir à la manière d’optimiser chaque euro investi au profit de la santé et de la qualité de vie du patient. En d’autres termes, comment exploiter au mieux ce budget de santé d’un point de vue économique ? Nous sommes néanmoins très loin de ce scénario idéal.

Le modèle de concertation actuel encourage surtout le statu quo.

Le modèle de concertation actuel encourage surtout le statu quo… et c’est tout à fait logique ! Placez un gâteau sur la table, réunissez un groupe de personnes autour de ce gâteau et demandez-leur de se répartir les morceaux. Penseraient-elles aux absents qui méritent également une part ? S’attribueraient-elles une plus petite part pour que d’autres puissent manger plus ? Admettraient-elles que leur rôle est moins important et donc qu’elles ont droit à moins ?

Statu quo

Dans un tel cas de figure, chacun défend automatiquement ses intérêts, en l’occurrence sa part du gâteau. Cette approche a porté ses fruits pendant de longues années, mais tout porte à croire qu’elle atteint désormais ses limites. Les soins de santé ont tellement évolué, ces dernières décennies, que la somme des intérêts des personnes assises autour de la table actuellement ne sert plus réellement l’intérêt général.

Tout le monde sait aujourd’hui que nous devons miser davantage sur la prévention, la gestion de la population, les soins de santé proactifs et intégrés, l’hospitalisation et les soins à domicile, le tout dans le cadre d’un modèle de soins hybride. Les décideurs politiques en font d’ailleurs à juste titre une priorité dans leurs projets. Ils ne disposent cependant pas du budget nécessaire (ou suffisant). Celui-ci est toujours réparti dans la même optique « conservatrice » entre les parties traditionnelles.

Conséquence ? Un clivage de plus en plus prononcé dans notre secteur des soins de santé. Tous parlent d’une politique axée sur les objectifs (de soins) de santé, mais les ambitions en restent pour l’instant principalement au stade théorique.

Un optimisme prudent

Si elle n’est pas réjouissante, cette situation n’empêche pas beMedTech de faire preuve d’un optimisme prudent. Pourquoi ?

  • De plus en plus de personnes haut placées au sein de l’INAMI, des mutuelles, des syndicats de médecins et d’autres associations de prestataires de soins de santé se manifestent et estiment que cela ne peut plus durer. Ces personnes remuent ciel et terre pour modifier le système de l’intérieur.
  • De plus en plus de prestataires de soins de santé sur le terrain (et il s’agit d’un groupe beaucoup plus large que les seuls médecins) regardent au-delà de leur propre activité. Ils estiment que le système actuel entrave les modernisations nécessaires. Ils n’acceptent plus que le changement soit « un peu plus lent » en Belgique. Les patients méritent les meilleurs soins, dès aujourd’hui.
  • Les associations de patients sont elles aussi de plus en plus nombreuses à se mobiliser. Elles constatent par exemple que les patients ne bénéficient pas directement des nouvelles pratiques, des technologies innovantes et autres solutions, sous prétexte qu’elles ne « s’intègrent » pas dans le modèle de rémunération actuel. Les patients ne supportent plus cette situation (à juste titre).
  • La presse commence à comprendre que notre système de soins de santé est confronté à un problème de taille et s’y attarde davantage, malgré la complexité de cette matière. Cette attention est primordiale, car un changement de système ne va pas sans pression publique.
  • La Belgique n’est pas seule dans le cas. Les pouvoirs publics d’autres pays cherchent également des moyens d’organiser les soins de manière plus intégrée et proactive. L’accentuation excessive des soins aigus n’est pas un problème propre à la Belgique. Nous pourrions donc également tirer des enseignements des bonnes (et mauvaises) pratiques étrangères.

Des soins de santé parés pour le futur

En notre qualité de fédération belge de l’industrie des technologies médicales, nous plaidons pour une réforme structurelle du système, mais nous sommes également convaincus que technologies médicales et système de soins tourné vers l’avenir sont indissociables.

Les technologies médicales peuvent contribuer à accélérer la transition nécessaire des soins aigus vers un modèle de soins continus et intégrés, avec des solutions de prévention, de diagnostic, d’hospitalisation et de soins à domicile dans le cadre d’un modèle hybride, de gestion des maladies… et ainsi accroître le rendement économique de notre budget de santé. Autrement dit, offrir aux patients une meilleure santé et une meilleure qualité de vie pour chaque euro investi.

Les technologies médicales méritent-elles donc une plus grosse part du gâteau ? Peut-être. Il nous semble cependant plus judicieux de laisser cette décision à d’autres. Serait-il temps d’inviter des économistes de la santé indépendants à la table du modèle de concertation ?